LE JEUNE DU RAMADAN Son rituel et ses finalités
Union des Mosquées de France
Ramadan : un mois de jeûne et de médiation
Le 9e de l’année lunaire (hégirienne), Ramadan est un mois durant lequel les musulmans pratiquent le jeûne et multiplient les actes de dévotion dont la prière et la lecture méditée du Saint Coran. Puisque chacun des 12 mois de l’année lunaire comptent 29 ou 30 jours, celle-ci compte près de 11 jours de moins que l’année solaire. Ainsi, Ramadan de l’année 1439/2018 avait débuté le 17 mai 2018 et très probablement celui de l’année 1440/2019 débuterait le 6 mai 2019. Ce déplacement de Ramadan dans l’année solaire, selon un cycle de près de 33 ans, permet aux musulmans de vivre le mois de Ramadan dans toutes les saisons de l’année et des conditions à peu près similaires quelque soit leurs régions de résidence.
Le jeûne, pratique millénaire commune à de nombreuses traditions religieuses et philosophiques, doit offrir à tous, par l’expérience volontaire de la faim et de la soif, l’occasion de mesurer la souffrance et la détresse de ceux qui subissent au quotidien partout dans le monde les affres de la pauvreté et de la précarité.
Le jeûne, par la privation volontaire de nourriture et de boisson, de tout rapport sexuel et d’autres plaisirs habituellement permis dans la journée, aide le jêuneur à maîtriser ses instincts et à élever sa condition humaine vers la pureté et la chasteté.
Le Jeûne prend une autre forme aussi importante sinon plus importante que la privation matérielle. Il s’agit pour le jêuneur de maîtriser l’ensemble de ses actes et paroles et être exemplaire y compris dans les situations d’adversité les plus extrêmes.
Au final, accompli avec rigueur et responsabilité, le jeûne permet au pratiquant d’amener son corps et son âme à cheminer ensemble dans une coexistence harmonieuse et équilibrée. Une pratique du jeûne, réduite uniquement à la privation de nourriture et de boisson, sans réelle dimension spirituelle perdra sa véritable fonction.
Quelques règles du jeûne
La pratique du jeûne fait partie des grands devoirs de la religion musulmane. Le Saint Coran, dans le verset ci-après (Coran 2 :183-185) en a précisé quelques règles et finalités. La tradition orale du prophète Muhammad (PBSL) les a détaillées et complétées :
“Hô, les Croyants ! On vous a prescrit le jeûne comme on l’a prescrit à ceux d’avant vous— peut-être seriez-vous pieux ! — pendant des jours comptés. Donc, quiconque d’entre vous est malade, ou en voyage, alors, qu’il compte d’autres jours. Mais pour ceux qui pourraient difficilement le supporter, il y a une compensation : la nourriture d’un pauvre. Et si quelqu’un fait plus de son propre gré, c’est bien pour lui : mais il est mieux pour vous de jeûner, si vous saviez ! (Coran 2/ 182-183)
A partir de ce passage coranique et d’autres textes en lien avec la pratique du jêune, quelques règles peuvent être énumérées :
- Le jeûne du mois de Ramadan est une prescription religieuse pour tout Musulman ayant atteint l’âge de puberté (qui dépend de chaque individu et se situe aux alentours de 15 ans), disposant de ses facultés mentales et n’étant pas malade ou en situation de voyage.
- Le jeûneur s’abstient de manger, de boire, de fumer ou d’avoir des relations sexuelles de l’aube au coucher du soleil avec l’intention d’accomplir un devoir religieux. Il doit également adopter un comportement exemplaire en évitant tout écart de langage et toute attitude indécente. C’est le sens de l’expression coranique « peut-être seriez-vous pieux ! »
- Le jeûne est interdit pour la femme pendant la période de ses règles ou lochies (l’écoulement du sang après l’accouchement). Une fois cette période écoulée, la femme devra jeûner le reste du mois et rattraper les jours manqués. Le rattrapage doit s’effectuer avant le Ramadan suivant.
- Quiconque d’une manière intentionnelle a mangé, ou a bu ou a eu des rapports sexuels pendant la journée de Ramadan doit jeûner soixante et un jours, à la suite sans interruption, après le Ramadan ou fournir à 60 pauvres les repas d’une journée.
- Celui qui mange ou boit par oubli doit se mettre immédiatement en état de jeûne dès qu’il se sera aperçu de son erreur et doit également rattraper cette journée manquée.
- Le malade, la femme enceinte ou celle qui allaite, à qui leur médecin traitant a proscrit le jêune ou craignent pour leur santé ou celle de leur bébé, n’ont pas le droit de jeûner. Ils devront rattraper les jours manqués quand leur santé le leur permettra. On ne le dira jamais assez, malgré que ces différentes dérogations soient inscrites dans le Saint Coran.
- Une personne atteinte d’une maladie chronique (diabète, hypertension ,..) à qui son médecin traitant a proscrit, pour toujours, de jeûner doit s’abstenir de jêuner. Toutefois, il doit nourrir un pauvre pour chaque jour manqué.
- De même, une personne âgée qui peut jeûner mais avec une très grande difficulté en est dispensée. Elle doit toutefois, nourrir pour chaque jour manqué un pauvre.
- Le voyageur, sous certaines conditions, peut ne pas jeûner au cours de son voyage. Toutefois, il doit remplacer les jours manqués avant le ramadan suivant.
- On ne le dira jamais assez : malgré que ces différentes dérogations soient inscrites dans le Saint Coran et la tradition prophétique, certains musulmans, croyant bien faire, se mettent en danger par la pratique du jeûne incompatible avec leur état de santé. Cette attitude irresponsable est unanimement interdite « Dieu veut pour vous la facilité. Il ne veut pas pour vous la difficulté » (Saint Coran 2 : 184),
Ramadan, le mois du Saint Coran et de l’invocation
« C’est dans le mois de Ramadân qu’on a fait descendre le Coran comme Guidée pour les gens et en preuves de Guidée et discernement » (Saint Coran 2/ 184).
Les exégèses donnent de nombreuses explications à ce passage coranique :
- Comme le stipule un autre verset : « En vérité, Nous avons révélé le Coran dans la nuit de la Destinée » (Saint Coran, 97/1), c’est au cours d’une nuit de Ramadan (la nuit de la destinée) que l’esprit du Saint Coran et les principes de ses enseignements ont été révélés au prophète Muhammad (PBSL). Ce dernier s’est imprégné et s’est « formaté » par ces principes qui l’ont guidé dans sa mission de messager. Il a ensuite reçu le texte du Saint Coran par bribes sur une période de 23 ans.
- La révélation du Saint Coran a débuté pendant le mois de Ramadan.
- Lors de la nuit de la destinée faisant partie du mois de Ramadan, le Saint Coran a été placé dans endroit au ciel, puis a été révélé par bribes au prophète Muhammad (PBSL).
C’est la raison pour laquelle le mois de ramadan est aussi appelé mois du Saint Coran. Les musulmans sont appelés à le réciter et à le méditer plus que d’habitude. Les prières nocturnes (dites Tarawih) sont l’occasion pour les musulmans d’écouter le Saint Coran psalmodié chaque nuit du mois de Ramadan, notamment la « nuit de la destinée », et de multiplier les invocations.
Qu’est ce que la nuit de la destinée ?
Le Prophète Muhammad (PBSL) dit : « Cherchez la nuit de la destinée parmi les nuits impaires de la dernière décade du mois de Ramadan ». Elle se situerait donc parmi les nuits du 20 au 21,…,28 au 29 du Ramadan. Pour certains, elle serait la nuit du 26 au 27. Pour les mérites de cette nuit, la sourate 97 y est consacrée. On peut y lire : « La nuit de la Destinée vaut plus que mille mois réunis ! » (Coran 97/3). Le prophète Muhammad (PBSL) a dit « Qui veille en prière la nuit du Destin mû par sa foi et comptant sur la récompense de Dieu, tous ses péchés antérieurs lui seront pardonné ».
Quant aux actes à accomplir cette nuit, la prière, la lecture du Coran, les invocations : « Si Mes serviteurs t’interrogent à Mon sujet, qu’ils sachent que Je suis tout près d’eux, toujours disposé à exaucer les vœux de celui qui M’invoque. Qu’ils répondent donc à Mon appel et qu’ils aient foi en Moi, afin qu’ils soient guidés vers la Voie du salut » (Coran 2/184 -185).
Les actes de générosité à l’égard des pauvres et des plus vulnérables font partie des œuvres les plus méritoires que pourrait accomplir le croyant pendant le mois de Ramadan et plus particulièrement au cours de cette nuit.
Et la fête de rupture du jeûne (Aïd El Fitr) ?
Au lendemain du dernier jour de Ramadan, les musulmans célèbrent la fête de Aïd El Fitr (rupture du jeûne). Une prière communautaire est organisée dans les mosquées ou dans des espaces réservés peu de temps après le lever du soleil. L’aumône dite « Zakat El Fitr », exigible de toute famille musulmane et destinée aux pauvres indépendamment de leur appartenance religieuse, est évaluée à près de 7 euros par personne à charge. Il est recommandé d’en faire bénéficier les nécessiteux du lieu de résidence de la famille. Son versement qui intervient généralement à la fin du Ramadan peut se faire dès son premier jour. La charge de distribuer cette aumône peut être déléguée à une mosquée ou une association caritative.
Comment déterminer le début et la fin du Ramadan ?
Le verset coranique (Coran 2/185) instaurant la prescription du jeûne du Ramadan ne le précise pas. La tradition du Prophète Muhammad (PBSL) en donne une indication : « Jeûnez lorsque vous le voyez (le premier croissant de lune) et cessez de jeûner lorsque vous le voyez, et s’il vous est caché par les nuages, déterminez-le. », ou selon une variante : « Et s’il vous est caché par les nuages, complétez cha’ban (8e mois lunaire) en comptant trente jours ».
Dès le XIVe siècle, le calcul astronomique a fait son entrée dans le droit musulman. Ainsi, une annonce de vision, du premier croissant de la Lune, considérée comme impossible par le calcul astronomique n’était pas prise en compte. A noter qu’en dépit du texte coranique « (…) mangez et buvez jusqu’à ce que l’aube vous permette de distinguer le fil blanc (du jour) du fil noir (de la nuit) puis accomplissez le jeûne jusqu’à la nuit » [Coran, 2/187], les musulmans n’observent plus à l’œil nu le lever de l’aube et le coucher du soleil. Ils se contentent de tables fondées sur le calcul.
Se pose alors la question : qui est habilité à ordonner le début du jeûne ? Le Prophète Muhammad (PBSL) a ordonné le début du jeûne après qu’il eut pris connaissance de la visibilité du hilal sans que lui-même l’ait vu. La solution qui a prévalu jusqu’à nos jours consiste à rattacher chaque individu à une autorité religieuse ou gouvernementale à laquelle il doit se référer. Cette autorité est, en général, celle qui intervient sur les autres actes de sa vie religieuse ou civile. En France, l’instance représentative du culte musulman pourrait jouer ce rôle.