Soyons vigilants face aux forces de l’humiliation !
En plein pandémie COVID-19, la contribution des habitants des quartiers populaires a été primordiale dans la continuité de l’activité dans notre pays, notamment dans les différents secteurs essentiels, tels que la santé, la production et la distribution des vivres.
Nous avons pu voir aussi s’exprimer une véritable solidarité à laquelle les jeunes de ces quartiers ont pu apporter leur soutien aux personnes âgées, au personnel soignant et à tous ceux qui se trouvaient aux premières lignes dans cette crise sanitaire.
Faute d’une médiatisation de ces actions solidaires et de leur mise en valeur suffisantes, nous n’avons pas pu déclencher une dynamique permettant à ces populations de se sentir pleinement considérées et ancrées dans le récit national. Ces actions ont donné une image de ces populations contraires aux clichés et stéréotypes dont ils sont souvent victimes.
Toutefois, des actes de délinquance déplorables, commis par une minorité d’individus prennent en otage les habitants de ces quartiers et contribuent à nourrir ces stéréotypes. Les évènements qui se sont déroulés récemment dans le quartier des Grésilles de Dijon, où des bandes d’individus lourdement armés ont semé la terreur et obligé les riverains à rester confinés chez eux pendant de longues heures, jettent le discrédit sur toute une population.
Cette population, prise entre l’enclume des actes de délinquance et le marteau des interventions policières parfois disproportionnées et soupçonnées de racisme, a été aux premières lignes des récentes manifestations dans de nombreuses villes de notre pays.
La découverte dans les réseaux sociaux de groupes, dont des éléments des forces de l’ordre seraient membres, proférant propos racistes et appels au meurtre, a exacerbé les tensions et nourri des animosités dangereuses pour la cohésion et l’ordre dans notre pays.
L’image de nos forces de l’ordre qui pour leur immense majorité font preuve au quotidien d’une abnégation exemplaire allant parfois jusqu’au sacrifice ultime pour protéger nos vies et assurer l’ordre dans notre pays, s’est trouvée impactée par les actes d’éléments qui ont failli à la mission et à la confiance que leur confère l’uniforme qu’ils portent. Certes, les agissements de cette minorité ne sauraient remettre en cause la probité de ces Femmes et ces Hommes ni nous affranchir de notre devoir de leur exprimer reconnaissance et respect. Cependant, la multiplication de ces agissements et l’absence d’une réponse ferme et rapide de l’État de droit à leur égard pourrait nourrir chez les victimes un sentiment de « deux poids – deux mesures » et laisser s’installer l’idée qu’un système de protection des policiers fautifs est à l’œuvre.
Il ne faut pas également sous estimer les discours de haine et de discorde d’une intelligentsia multirécidiviste qui continue d’entretenir le buzz médiatique et souffler sur les braises.
Ne laissons pas les extrémistes nous manipuler
Nous ne le dirons jamais assez, les extrémistes, les racistes et les antisémites de tout bord ne prolifèrent que dans un terreau de tension et de violence. Les forces vives de notre pays doivent en être conscientes et agir en conséquence.
Soyons vigilants face aux forces de l’humiliation, qui peuvent se mettre en place par les inégalités sociales et économiques, par le défaut de représentation politique, par les discriminations d’ordre ethnique ou religieux et notamment celles amputables aux détenteurs de la puissance publique, par les amalgames et les mises à l’index qui peuvent viser injustement nos forces vives. Des forces extrémistes peuvent instrumentaliser cette humiliation, radicaliser les plus fragiles d’entre nous et les pousser à se détruire ou à tenter de détruire ceux qu’ils pensent être les responsables de leurs difficultés.
L’histoire nous apprend qu’à chaque fois qu’ils se sont trouvés réunis l’existence réelle ou ressentie des inégalités et des discriminations et le défaut réel ou ressenti de représentativité dans le débat politique et médiatique, la porte fut grande ouverte au populisme et à l’extrémisme.
Recréons le lien social et le dialogue
Historiquement, la présence structurée de mouvements de la jeunesse et de la société civile ainsi que les différents corps intermédiaires offraient aux jeunes des espaces d’apprentissage aux valeurs collectives. Elles permettaient également à la contestation sociale de s’exprimer de façon saine et respectueuse du cadre démocratique.
Privée de ces structures, cette contestation peut générer des formes de délinquance défiant toutes les autorités dans la société : celle de la famille, de l’école, de l’autorité publique et des institutions religieuses. Cette délinquance peut donner lieu à des incivilités et des dégradations, à des crimes crapuleux et à des conflits avec la police. Elle peut aussi, à la rencontre d’une idéologie extrémiste, se transformer en une violence beaucoup plus grave.
Avec des méthodes d’endoctrinement et d’embrigadement alliant des théories complotistes et des arguments fallacieux, des extrémistes identitaires de tout bord sont à l’œuvre pour justifier la haine de l’« Autre ». Ces méthodes s’appuient sur la mise en perspective des évènements historiques et une présentation des différents conflits laissant s’installer l’idée que des groupes en particulier sont victimes de persécution et d’humiliation.
Une vigilance sans relâche
Notre pays, dispose certes depuis longtemps de nombreux textes, traités et conventions sur les droits fondamentaux qui reconnaissent à l’Homme sa dignité, sa liberté et la sacralité de sa personne. Les évènements du siècle passé et de ces dernières années montrent combien la justice, la paix, la cohésion et l’ordre au sein de nos sociétés sont fragiles et ont besoin d’être préservés, protégés et consolidés jour après jour. Toutes les institutions civiles et religieuses et tous les citoyens de notre pays doivent se sentir en première ligne pour atteindre cet objectif. Ils doivent mettre toute leur énergie à éclairer et apaiser les esprits et les cœurs face à la peur et à l’incompréhension qui peuvent naître de la confusion des conflits et des guerres des ignorances.
Mohammed MOUSSAOUI, président du CFCM