Former des imams en France, un défi à relever
Suite à l’annonce du Président de la République de mettre fin aux accords portant sur les 300 imams étrangers présents sur le sol français (Turquie (150), Algérie (120) et Maroc (30), la formation des imams est plus que jamais d’actualité.
Ces imams détachés qui ne maîtrisaient pas toujours le français, ont pu jouer un rôle dans l’encadrement des premières générations de musulmans venus travailler en France. Ces derniers qui n’avaient pas de problème de compréhension de la langue arabe ou turc, du moins pour la majorité d’entre eux, s’inscrivaient également dans le projet de retour au pays d’origine. Depuis, la situation a changé avec les générations suivantes qui se considèrent pleinement françaises et ne maîtrisent pas forcément la langue de leurs parents.
Bien que ces imams détachés ne représentent que près de 10% des imams de France, l’annonce du Président de la République a mis les projecteurs sur l’épineuse question de la formation des imams. Si celle-ci a toujours été dans les priorités de l’islam de France, aujourd’hui elle est une nécessité absolue.
Face au manque de ministres de cultes, renforcer l’offre de formation.
Le culte musulman en France est organisé autour des mosquées et des centres culturels dont la gestion administrative et logistique est assurée par des associations loi 1901 ou loi 1905.
Quant à la célébration de culte (prières quotidiennes), elle est assurée par des imams ayant reçu une formation adaptée à cette mission ou reconnus, par l’association gestionnaire de la mosquée, comme aptes à l’assumer. En l’absence de tels imams, des fidèles bénévoles peuvent aussi l’assurer.
Le prêche du vendredi et l’enseignement religieux sont les tâches les plus exigeantes en matière de compétence et les plus exposées aux défis de la radicalisation et de la lutte contre le discours extrémiste. Etant assurées par des imam-Khatib ou des femmes-morchidates, c’est sur ces deux fonctions que le déficit en termes de ressources humaines est le plus important. Outre qu’elles nécessitent de longues études souvent non diplômantes, la pression sur les imams qui se trouvent régulièrement en premières lignes dans les débats qui touchent l’islam ainsi que la précarité du statut et de la carrière de l’imam sont autant d’obstacles et de freins pour ceux qui veulent s’y engager.
Aussi, il ne faut pas perdre de vue ce manque de vocation pour les fonctions de ministres de culte qui d’ailleurs ne concerne pas uniquement le culte musulman.
La situation du culte catholique qui dispose de plus de moyens de formation le montre assez bien. En effet, selon les chiffres de la mission universelle catholique, il y a environ 7000 prêtres actifs (moins de 75 ans) dont 5000 prêtres français et environ 2000 prêtres étrangers en mission pastorale en France. Cette situation est amenée à s’accentuer dans les années à venir. En 2018, sur les 300 ordinations de prêtres en France, 100 seulement sont venus de France les 200 autres sont venus d’ailleurs.
Pour pallier à ce manque de vocation, la solution pourrait venir du renforcement des diplômes universitaires (DU) mis en place par les pouvoirs publics. Ces DU, axés sur la connaissance des institutions et des principes de la République, l’histoire et la sociologie des religions et l’interculturalité, pourraient être complétés par l’enseignement et la recherche académique sur l’islam et l’histoire de la civilisation musulmane et donner lieu à des diplômes niveau Licence, Master et Doctorat et ouvrirait ainsi plus d’horizon aux candidats qui s’y engagent.
Coupler la formation théologique dispensée dans les instituts musulmans avec ces formations profanes dispensées dans les universités aurait de nombreux avantages : La garantie pour un candidat de suivre une formation diplômante et pour l’islam de France d’avoir au bout du compte les profils souhaités.
Et les salaires des imams ?
Il faut permettre aux mosquées d’avoir les moyens d’assurer, en plus de leurs frais de fonctionnement, un salaire pour l’imam à la hauteur de son parcours de formation et de son investissement.
L’une des pistes est de permettre au fidèles de rattacher à leur mosquée des biens immobiliers dits « immeubles de rapport » et assumer ainsi par leur rente locative les frais de son fonctionnement. Le Bien immobilier pourrait être partie intégrante du projet de la mosquée dès sa conception. Il pourrait aussi lui être annexé suite à un don ou à une souscription des fidèles.
Moyennant quelques précautions en matière fiscale permettant de garantir son usage proportionné au but recherché, ce dispositif que le cadre juridique actuel ne permet pas pourrait donner lieu à une véritable indépendance financière des lieux de cultes toutes confessions confondues, le tout dans un cadre clair et transparent.
Processus d’accréditation des imams
Enfin, les associations gestionnaires des mosquées ont besoin de s’assurer des compétences et qualités d’un candidat qui postule pour la fonction d’imam. D’où l’importance de mise en place d’un processus d’agrément pour les cadres religieux.
Ce processus doit reposer sur l’évaluation du cursus de formation suivi par le candidat, son adhésion pleine et entière à une charte de valeurs et principes qui doivent l’animer dans sa fonction ainsi que la signature d’une convention visant à mieux définir son statut, les contours de sa mission, et ses liens avec l’association gestionnaire de son lieu d’affectation.
Il faut se pencher sur l’ensemble de ces sujets compte tenu de leurs interactions et de leurs interdépendances tout en fixant comme objectif urgent, celui de trouver des candidats et de bien les former à la fonction de l’imamat ou de l’aumônerie.
Par ailleurs, à défaut de mettre en place un institut de formation français unitaire, il faut travailler sur la mise en place d’un socle commun de formation qui pourrait inclure l’élaboration de supports français (documents, contenu en ligne,..) couvrant les différentes compétences requises pour un cadre religieux.
Mohammed MOUSSAOUI, président du CFCM