Le CFCM doit regagner la confiance des musulmans de France
Entretien de La Croix avec Mohammed Moussaoui, président l’Union des Mosquées de France (UMF), créée fin 2013, juste après les précédentes élections du CFCM.
À l’issue des élections des 10 et 17 novembre, l’Union des mosquées de France (UMF), fédération proche du Maroc, est devenue la première force électorale du Conseil français du culte musulman (CFCM). Son président, Mohamed Moussaoui, souhaite envoyer des « messages forts » aux musulmans de France, qui jugent cette instance trop loin de leurs préoccupations.
La Croix : Votre fédération, l’Union des mosquées de France (UMF), a été créée fin 2013, juste après les précédentes élections du CFCM. Cette instance étant en panne de crédibilité, avez-vous hésité à participer, pour la première fois, à ce scrutin ?
Mohammed Moussaoui : Personnellement, j’avais la conviction que participer était la décision la plus en cohérence avec notre souhait de réformer le CFCM de l’intérieur. Mais certains membres de notre fédération ont hésité. Car sur les 90 membres du conseil d’administration du CFCM, 45 sont élus par les 25 CRCM (les instances régionales du CFCM), et les autres 45 sont désignés par les fédérations dites « statutaires ». Ce mode de désignation, décrié par les musulmans de France et dénoncé par l’UMF, devait prendre fin en juin 2019. Malheureusement, l’assemblée générale du CFCM, dominée par cette partie désignée, a décidé de le pérenniser en avril 2019, mettant à mal la représentativité du CFCM et entraînant cette hésitation à participer aux élections.
Pourquoi votre fédération ne fait-elle pas partie des cinq fédérations autorisées à désigner la moitié du conseil d’administration ?
- M. :On nous a bien proposés, en janvier 2019, de désigner six membres de ce conseil d’administration, mais nous avons refusé, par souci de cohérence. Notre objectif n’est pas de gagner quelques voix, mais simplement que ce système de désignation soit abandonné, ce qui encouragerait du reste les mosquées à rejoindre le processus électoral et à participer activement à la vie du CFCM. Nous croyons au changement par la base. Les élections auront le mérite d’alerter sur ce fossé qui existe entre la volonté de la base et les fédérations dites statutaires.
Même sans cela, vous serez la première force du CFCM ces six prochaines années, avec 17 élus UMF sur les 90 membres du conseil d’administration. C’est plus que pour des fédérations plus anciennes comme la Grande mosquée de Paris (sept élus et neuf membres désignés) ou Musulmans de France, l’ex-UOIF (un élu et neuf membres désignés). Comment expliquer ce bon résultat ?
- M. :Notre présence sur le terrain a mobilisé les mosquées autour de l’UMF. Celle-ci a fait le tour des régions et rencontré des imams et des aumôniers lors des États généraux sur le radicalisme, elle a organisé des séminaires sur le prêche du vendredi, sur le contenu de l’enseignement religieux, sur la laïcité… Ce travail de fond nous a permis de maintenir un réseau vivant.
Par ailleurs, nous soutenons un projet largement plébiscité par les musulmans de France : la départementalisation du CFCM, avec la création de conseils départementaux du culte musulman (CDCM). Aujourd’hui, les musulmans de France se sentent coupés de leurs instances, trop lointaines, alors que les questions du culte sont le plus souvent traitées à l’échelon départemental, voire local (organisation des fêtes religieuses, suivi des actes de radicalisation, atteintes aux lieux de culte, etc.).
Cette départementalisation sera-t-elle votre principal projet, au sein du CFCM ?
- M. :Si l’on veut que cette instance renoue avec sa base et regagne sa confiance, nous devons envoyer des messages forts. L’abandon du système de désignation de la moitié du conseil d’administration, tout comme la création des CDCM, seraient, selon moi, des signaux importants.
Cela dit, ce n’est pas parce que nous serons la première force du CFCM que nous pourrons décider seuls ! Il nous faudra bien composer avec les autres fédérations et créer les conditions d’une action collégiale au service de l’intérêt général du culte musulman. Je crois toutefois que le CFCM aura tout intérêt à écouter la volonté de la « base », s’il ne veut pas entretenir le fossé qui s’est creusé ces dernières années.
Source : https://www.la-croix.com/Religion/Islam/Le-CFCM-doit-regagner-confiance-musulmans-France-2019-11-22-1201062120