Livre : « Pour les musulmans » d’Edwy Plenel

La présentation de l’ouvrage par l’éditeur est explicite « Il y a un problème de l’islam en France », n’hésite pas à proclamer un académicien, regrettant même « que l’on abandonne ce souci de civilisation au Front national ». À cette banalisation intellectuelle d’un discours semblable à celui qui, avant la catastrophe européenne, affirmait l’existence d’un « problème juif » en France, ce livre répond en prenant le parti de nos compatriotes d’origine, de culture ou de croyance musulmanes contre ceux qui les érigent en boucs émissaires de nos inquiétudes et de nos incertitudes. L’enjeu n’est pas seulement de solidarité mais de fidélité. Pour les musulmans donc, comme l’on écrirait pour les juifs, pour les Noirs et pour les Roms, ou, tout simplement, pour la France ».

Le 18 août 2013, Edwy Plenel publiait un article portant le même titre « Pour les musulmans » sur le Journal Médiapart. C’était l’amorce de ce qui allait devenir le livre. La démarche est annoncée comme comparable à celle d’Emile Zola qui, deux ans avant son fameux « J’accuse », publie dans Le Figaro du 16 mai 1896, un article intitulé « Pour les juifs ». Zola écrit « « Les juifs sont accusés d’être une nation dans la nation, de mener à l’écart une vie de caste religieuse et d’être ainsi, par-dessus les frontières, une sorte de secte internationale, sans patrie réelle, capable un jour, si elle triomphait, de mettre la main sur le monde… Qu’il y ait, entre les mains de quelques juifs, un accaparement douloureux de la richesse, c’est un fait certain. Mais le même accaparement existe chez des catholiques et chez des protestants. Exploiter les révoltes populaires en les mettant au service d’une passion religieuse, jeter surtout le juif en pâture aux revendications des déshérités, sous le prétexte d’y jeter l’homme d’argent, il y a là un socialisme hypocrite et menteur, qu’il faut dénoncer, qu’il faut flétrir. »

Edwy Plenel décrit pour sa part l’alarme qu’il voudrait « de nouveau, faire entendre, en défense des musulmans, dans la diversité humaine de ce que ce mot recouvre. En défense de toutes celles et de tous ceux qu’ici même, la vulgate dominante assimile et assigne à une religion, elle-même identifiée à un intégrisme obscurantiste, tout comme, hier, les juifs furent essentialisés, caricaturés et calomniés, dans un brouet idéologique d’ignorance et de défiance qui fit le lit des persécutions. L’enjeu n’est pas seulement de solidarité avec l’autre mais de lucidité sur nous-mêmes…Être musulman, l’exprimer ou le revendiquer, n’est pas plus incompatible en soi avec des idéaux de progrès et d’émancipation que ne l’était l’affirmation par les ouvriers ou les étudiants de la JOC et de la JEC de leur identité chrétienne, alors même qu’ils rejoignaient les combats syndicaux et politiques du prolétariat ou de la jeunesse. Sauf, encore une fois, à renouer avec les préjugés coloniaux qui essentialisaient d’autres cultures pour les dominer et les opprimer, les rejeter ou les soumettre, rien ne justifie que l’on décrète l’incompatibilité entre la République, ses idéaux et ses principes, et la revendication d’être reconnu, respecté et admis comme musulman « .

« Pour les musulmans » reprend avec la plus grande pertinence un débat trop souvent confus, voire plein d’arrières pensés. Il propose de l’aborder dans une optique ouverte, conforme au principe de laïcité, fondé sur la liberté de conscience, dans un cadre commun, la République  » C’est dans la reconnaissance des minorités que se joue la vitalité d’une démocratie acceptant la diversité des siens, la pluralité de leurs conditions, la richesse de leurs différences. Et construisant, par le respect de ces dissemblances, une ressemblance supérieure, celle que proclament les principes dynamiques, jamais épuisés, de liberté, d’égalité et de fraternité. Sous la question musulmane se joue, en vérité, la question française : notre capacité à inventer une France qui, au lieu de se crisper sur une identité fantasmée et mortifère, s’élance vers le monde en faisant de sa relation au divers le meilleur des Sésame« . Edwy Plenel le souligne « Pour les musulmans » aurait pu s’intituler « Pour la France ».

Cet ouvrage suscite de nombreux débats. En voici deux parmi les plus appronfondis.

L’un est le Face à face entre Edwy Plenel et Alain Finkielkraut dans l’émission 28 minutes sur ARTE le 30 septembre 2014

Edition la Découverte septembre 2014

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